Interview de Mathieu, pair-aidant dans l’équipe du SAMPAS par Vice Versa.

En mars dernier, notre collègue Mathieu, qui a rejoint le SAMPAS en juillet 2022 en tant que pair-aidant, a été interviewé pour la newsletter addicto/hépato Vice Versa. Découvrez son interview.

Vice Versa : Comment te définis-tu? Pair-aidant? Expert? Et qu’est-ce que ça veut dire pour toi?
Mathieu : Je me définis comme travailleur social ou comme expert en vécu, c’est de par mon expérience que j’ai pu découvrir les armes pour combattre beaucoup de problèmes que nos patients vivent au jour le jour.

VV : Peux-tu nous donner rapidement ton CV d’UD : combien d’années de toxicomanie, quels produits, injection, sniff ? Es-tu sous traitement de substitution? Si oui, lequel ? As-tu eu une hépatite C ? Si oui, guérie j’imagine ? Et le VIH?
Mathieu : J’ai commencé par une consommation de cannabis récréative à l’âge de 14 ans, suivie de près par la consommation de produits de type MDMA , amphétamines , speed , GHB , LSD, cocaïne à l’âge de 16 ans, pour finir avec l’héroïne vers 17 ans. Vers 20 ans, j’ai commencé à injecter la cocaïne mélangé avec l’héroïne (speedball) jusque l’âge de 25 ans , âge où j’ai tout arrêté. J’ai pris de la méthadone, j’ai eu une hépatite C, traitée et guérie aujourd’hui, pas de VIH.

VV : Comment s’est fait la rencontre avec l’équipe Sampas? Depuis combien de temps es-tu avec eux maintenant?
Mathieu : j’ai rencontré l’équipe du Sampas en 2016 au projet Lama où j’avais un suivi psy . Il a fallu plus de 3 ans pour avoir les budgets pour pouvoir m’engager au sein de L’équipe, j’ai été engagé le premier juillet 2022.

VV : As-tu eu suivi des  formations? Si oui, quelles types de formation?  (Sur les hépatites, la RDR, etc.)
Mathieu : Ma formation est basée sur l’expérience je n’ai aucun diplôme, j’ai bossé dans beaucoup de domaines différents sans jamais trouver ma place.

VV : Et à l’inverse, est-ce que tu leur fais un transfert de tes compétences pour aborder plus facilement cette population que tu connais bien?
Mathieu : Oui, j’offre un regard différent et je pense à des choses qui ne viendraient même pas à l’idée du reste de l’équipe ! Disons que c’est un travail d’équipe et on est très complémentaires, chacun a ses qualités et sa propre vision des choses et en communiquant, on trouve des solutions aux problèmes rencontrés au court de nos permanences et nos suivis.

VV : Comment se déroule une journée type avec l’équipe? Quel est ton rôle?
Mathieu : Une journée type chez nous le lundi, c’est réunion d’équipe pour dispatcher les collègues et moi-même sur les différentes permanences de la semaine, discuter des patients et autres problèmes qui ont besoin de l’expertise de tous pour trouver des alternatives rapides.   Les permanences se déroulent  plus ou moins de la même façon, nous travaillons en réseau et allons dans les centres d’aides aux toxicomanes ou autres maisons médicales, dans les prisons et dans les hôpitaux afin de tester les usagers. Nous avons plusieurs outils que nous transportons à vélo sur les différents sites de nos partenaires, les TROD (test rapide) , le Cepheid GeneXpert® (pcr) pour détecter le virus de l’hépatite C et du VIH , le FibroScan® qui nous sert à voir Les dégâts au foie dus aux virus ou à la consommation problématique d’alcool.

VV : Comment es-tu accueilli et perçu par les UD en général? 
Mathieu : Je suis vu par les UD comme un professionnel car je suis à l’aise avec toutes  les problématiques rencontrées dans notre métier ayant moi-même rencontré ces problèmes et trouvé des solutions.

VV : As-tu l’impression d’être un atout dans l’équipe? 
Mathieu : Oui, je dirais que je suis un atout pour les personnes qui veulent se rétablir mais qui ne savent pas comment faire ou par quoi commencer, pour les gens qui n’ont pas confiance aux  institutions.  Pour créer des liens, c’est plus facile quand tu sais ce que l’autre vit et ressent.  La vision des choses est parfois différente quand on  connait l’envers du décors  et que l’on arrive à avoir une vue d’ensemble sur le millefeuille de problèmes qui en résulte.

VV : Pour finir, est-ce que ce travail de pair-aidant est provisoire ou as-tu découvert une vraie vocation avec l’envie de poursuivre? Te sens-tu considéré aujourd’hui comme un véritable collègue dans la team SAMPAS? 
Mathieu : je dirais que c’est une vocation, même avant de connaitre le Sampas, je faisais déjà ce genre de travail dans ma vie de tous les jours et je voulais aider les autres, donc je distillais mes enseignements à qui voulait entendre.
Mais avec le cadre professionnel, l’efficacité est tout autre et nous mettons  tout en œuvre  pour tirer le maximum de l’expérience du vécu afin de faciliter le travail d’équipe pour aider les gens demandeurs et aussi ceux qui ne savent pas demander à l’aide. Je suis dans un groupe de travail avec d’autres pairs aidants afin de travailler sur les situations complexe qui demandent une plus grosse réflexion .

Vice Versa remercie chaleureusement Mathieu, ainsi que l’équipe SAMPAS de Bruxelles qui lui a donné le feu vert pour nous répondre.

Commentaire de Vice Versa 
Mathieu nous a donné une impression de force et de sérénité, il est à la fois modeste, mais conscient de son rôle prépondérant. On comprend pourquoi il a été choisi par SAMPAS pour intégrer l’équipe.

Même si le patient pair est incontestablement un atout, il n’y a pas de consensus ni de statut réellement officiel aujourd’hui.

Faut-il vraiment légiférer, exiger des formations, imposer un cadre identique pour tous?

La force du pair est surtout son vécu, sa spontanéité par rapport à des situations sur le terrain, sa façon de s’exprimer  avec « les siens ».

Façonner le pair pour le transformer en soignant serait une erreur. Pour que ça fonctionne, il faut privilégier cette alliance pair/soignant, chacun son rôle, chacun sa place.

📌 Chaque mois, retrouvez des infos en addictologie et en hépatologie dans la newsletter Vice Versa réalisée par l’équipe d’SOS Hépatites Champagne Ardennes. Pour s’inscrire : http://eepurl.com/cQ0ijj